Amour & Relations


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy
L’amour sous toutes ses formes

– Cela pose un problème que…?
– Que tu ne sois pas juif ? Pas le moins du monde, dit maman en riant. Ni mon mari ni moi n’accordons d’importance à la différence de l’autre. Bien au contraire, nous avons toujours pensé qu’elle était passionnante et source de multiples bonheurs. Le plus important, quand on veut vivre à deux toute une vie, est d’être sûr que l’on ne s’ennuiera pas ensemble. L’ennui dans un couple, c’est ce qu’il y a de pire, c’est lui qui tue l’amour. Tant que tu feras rire Alice, tant que tu lui donneras l’envie de te retrouver, alors que tu viens à peine de la quitter pour aller travailler, tant que tu seras celui dont elle partage les confidences et à qui elle aime aussi se confier, tant que tu vivras tes rêves avec elle, même ceux que tu ne pourras pas réaliser, alors  je suis certaine que quelles que soient tes origines, la seule chose qui sera étrangère à votre couple sera le monde et ses jaloux.

Maman prend Georges dans ses bras et l’accueille dans la famille.
– Allez, file rejoindre Alice, dit-elle, presque la larme à l’oeil. Elle va détester que sa mère retienne son fiancé en otage. Et si elle apprend que j’ai prononcé le mot fiancé, elle me tue !

Alors qu’il s’éloigne vers la salle à manger, Georges se retourne et demande à maman au seuil de la cuisine comment elle a deviné qu’il n’était pas juif.
– Ah s’exclame maman en souriant. Voilà vingt ans que mon mari récite tous les vendredis soir une prière dans une langue qu’il invente. Il n’a jamais su un mot d’hébreu ! Mais il est très attaché à ce moment où, chaque semaine, il prend la parole en famille. C’est comme une tradition qu’il perpétue en dépit de son ignorance. Et même si ses mots n’ont aucun sens, je sais que ce sont quand même des prières d’amour qu’il formule et invente pour nous. Aussi, tu te doutes bien que lorsque je t’ai entendu tout à l’heure répéter presque à l’identique son charabia, je n’ai pas eu de mal à comprendre… Que tout cela reste entre toi et moi. Mon mari est convaincu que personne ne se doute de son petit arrangement avec Dieu, mais je l’aime depuis tant d’années que son Dieu et moi n’avons plus aucun secret.

A peine de retour dans la salle à manger, Georges se voit entraîner à l’écart par notre père.
– Merci pour tout à l’heure, grommelle papa.
– De quoi ? demande Georges.
– Eh bien de ne pas avoir vendu la mèche. C’est très généreux de ta part. J’imagine que tu dois mal me juger. Ce n’est pas que je prenne un plaisir quelconque à entretenir ce mensonge ; mais depuis vingt ans… comment leur dire maintenant ? Oui, je ne parle pas hébreu, c’est vrai. Mais célébrer le sabbat c’est pour moi entretenir la tradition et la tradition c’est important, tu comprends ?
– Je ne suis pas juif, monsieur, répond Georges. Tout à l’heure, je me suis contenté de répéter vos mots sans avoir aucune idée de leur sens, et c’est moi qui voulais vous remercier de ne pas avoir vendu la mèche. (…)
– Bon, écoute-moi, je te propose que notre petite affaire reste strictement entre nous. Moi je dis le sabbat et toi, tu es juif !
– Tout à fait d’accord, répond Georges.

Le dîner achevé, Alice raccompagne Georges jusqu’à la rue, attend qu’ils soient à l’abri de la porte cochère et prend son fiancé dans ses bras.
– ça s’est vraiment bien passé, et puis chapeau, tu t’es débrouillé comme un chef. Je ne sais pas comment tu as fait, mais papa n’a rien vu, il est à mille lieues de se douter que tu n’es pas juif.
– Oui, je crois qu’on s’en est bien sortis, sourit Georges en s’éloignant.

[Les enfants de la liberté, Marc Levy]


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy

Une fois, une femme est venue ici. C’est Robert qui m’avait demandé de l’héberger. Elle avait dix ans de plus que moi, elle était malade et venait se reposer. J’ai dit que je n’étais pas médecin, mais j’ai accepté. Il n’y a qu’une chambre là-haut, alors qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Nous avons partagé le lit ; elle d’un côté, moi de l’autre, l’oreiller au milieu. Elle a passé deux semaines dans ma maison, nous rigolions tout le temps, on se racontait des tas de choses et je m’étais habitué à sa présence. Un jour, elle était guérie, alors elle est repartie. Je n’ai rien demandé, mais j’ai dû me réhabituer à vivre dans le silence. La nuit, quand le vent soufflait, on l’écoutait à deux. Seul, il ne fait plus la même musique.

Elle a frappé à ma porte deux semaine plus tard et m’a dit qu’elle voulait rester avec moi. (…) J’ai dit que c’était mieux pour nous qu’elle retourne auprès de son mari… De quelle fille de la brigade es-tu tombé amoureux ? Jeannot, je sais combien la solitude pèse, mais c’est le prix à payer quand on est dans la clandestinité.

Tu sais, Jeannot, cette amie dont je t’ai parlé tout à l’heure, elle m’a donné cette chance formidable ; elle m’a laissé l’aimer. Ce n’était que quelques jours, mais avec la tête que j’ai, c’était déjà un beau cadeau. Maintenant, il me suffit de penser à elle pour trouver un peu de bonheur. Tu devrais rentrer, la nuit tombe tôt en ce moment.

[Les enfants de la liberté, Marc Levy]


[Extrait] La sorcière de Portobello, P.Coelho
Éveiller la passion

“Nous avons tous une capacité inconnue, qui restera inconnue à tout jamais, mais qui peut être notre alliée. Comme il est impossible de mesurer cette capacité ou de lui donner une valeur économique, elle n’est jamais prise en considération.”

“J’ai découvert que de nos jours pour motiver les employés, il fallait plus qu’une bonne formation dans nos centres extrêmement qualifiés. Nous avons tous en nous une part d’inconnu, qui, quand elle affleure, peut produire des miracles.
Nous travaillons tous en vue d’une fin : nourrir nos enfants, gagner de l’argent pour subvenir à nos besoins, donner une justification à notre vie, acquérir une parcelle de pouvoir. Mais il y a des étapes détestables dans ce parcours, et le secret consiste à transformer ces étapes en une rencontre avec soi-même, ou avec quelque chose de plus élevé.
Par exemple : la quête de la beauté n’est pas toujours associée à un objet concret, et pourtant nous la cherchons comme si c’était la chose la plus importante au monde. (…) Les oiseaux chantent, selon Darwin, parce que c’est le seul moyen pour attirer leur partenaire et perpétuer l’espèce. (…) Tous ceux qui parviennent à éveiller des passions répètent quelque chose qui se passe depuis l’âge des cavernes, où les rites de séduction étaient fondamentaux pour la survie et l’évolution de l’espèce. Alors, quelle différence y a-t-il entre l’évolution de l’espèce humaine et l’évolution d’une agence bancaire ? Aucune. Les deux obéissent aux mêmes lois – seuls les plus capables survivent et se développent. (…) Sherine a apporté sur son lieu de travail un nouveau type de comportement, c’est-à-dire la passion. Exactement, la passion, quelque chose que nous ne prenons jamais en considération quand nous traitons de prêts ou de relevés de dépenses. Les gens se sont mis à vivre différemment

“Ce que nous croyons “voir”, c’est une impulsion d’énergie dans une zone complètement obscure de notre tête. Nous pouvons donc essayer de modifier cette réalité, si nous entrons dans une harmonie commune. D’une manière qui m’échappe, la joie est contagieuse, comme l’enthousiasme et l’amour. Ou comme la tristesse, la dépression, la haine – qui peuvent être perçues “intuitivement” par les clients et par les autres agents. Pour améliorer l’activité, il faut créer des mécanismes qui retiennent ces stimuli positifs.”

[La sorcière de Portobello, Paulo Coelho]

 


[Extrait] Tu seras un homme mon fils, R.Kipling

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

[Rudyard Kipling]


[Extrait] La Forêt des 29, I.Frain

“Vous ne trouverez pas ici de dieu de la peur ou des menaces. Et encore moins des pensées qui se tordent sur elles-mêmes et se perdent en complications. Le Suprême est partout dans la Nature, comme je vous l’ai dit, et par conséquent il est e nous, les hommes. Nous, les Vingts-Neufs, quand nous nous levons, chaque matin avant l’aube, nous n’avons qu’une seule interrogation : savoir par quels actes nous illustrerons cette parcelle de divin qui nous a été remise avec la vie. Nous estimons l’homme à ce qu’il fait, non à ce qu’il raconte. Et pour le juger, nous ne nous posons que deux questions. La première : a-t-il dit et respecté la vérité ? La seconde : le feu de la violence, en lui, a-t-il réussi à l’éteindre ? (…)

Tu respires le même air que moi, du sang coule dans tes veines, comme dans les miennes, tu bois, comme moi, tu manges, tu pisses, tu défèques, et le reste. Et nous mourrons tous les deux. Qu’est-ce qu’il y a, là-dedans, qui puisse te rendre fier et supérieur ? (…)

Pas besoin de bouger. Les vrais voyages vers le divin se font sur les routes de l’esprit. (…)

Qu’est-ce que je peux vous dire d’autre ? Allez, repartez sans peur.
Je suis simplement quelqu’un qui a appris l’amour et le respect de l’amour.”

* * * * *

“Je ne tire aucune fierté de mon corps ni de mon apparence, ils s’en retourneront au néant, comme les vôtres ! Et comme vous aussi, je partirai seul vers la mort. Mais oui, vous avez raison, nous, les Vingt-Neuf, nous avons un secret : nous ne croyons pas à la fatalité, nous façonnons nos vies. Et même si nous savons que nous allons mourir, le peu d’avenir que nous avons, nous y croyons !” (…)

“Il y a plusieurs vies dans une vie. (…) l’existence est une route.
Ce n’est pas l’étape qui compte, c’est la direction du chemin. Et ce qu’il y a au bout.”

“Pour ta survie, ne compte jamais sur les puissants.
Ne t’approche pas d’eux, ne leur demande aucune aide, n’attends aucun secours de leur part.
Dans la vie, ne t’en remets qu’à toi, rien qu’à toi.”

[Extraits de “La Forêt des 29”, Irène Frain.]
Un conte initiatique aux couleurs des déserts de l’Inde.
Merci à Romain de m’avoir offert cette histoire.


[Extrait] Toi et Moi, P.Géraldy
Doute

DOUTE

Tu m’as dit : « Je pense à toi tout le jour. »
Mais tu penses moins à moi qu’à l’amour.
Tu m’as dit : « Mes yeux mouillés
qui ne peuvent t’oublier
restent longtemps éveillés
lorsque je me couche. »
Mais ton cœur est moins grisé qu’amusé.
Tu penses plus au baiser qu’à la bouche.
Tu ne te tourmentes point.
Tu sais, sans chercher plus loin,
Que nos joies sont les nôtres.
Mais l’amour est un besoin.
M’aimerais-tu beaucoup moins
Si j’étais un autre ?

Toi et Moi – Paul Géraldy