Amour


[Extrait] Tu seras un homme mon fils, R.Kipling

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

[Rudyard Kipling]


[Extrait] La Forêt des 29, I.Frain

“Vous ne trouverez pas ici de dieu de la peur ou des menaces. Et encore moins des pensées qui se tordent sur elles-mêmes et se perdent en complications. Le Suprême est partout dans la Nature, comme je vous l’ai dit, et par conséquent il est e nous, les hommes. Nous, les Vingts-Neufs, quand nous nous levons, chaque matin avant l’aube, nous n’avons qu’une seule interrogation : savoir par quels actes nous illustrerons cette parcelle de divin qui nous a été remise avec la vie. Nous estimons l’homme à ce qu’il fait, non à ce qu’il raconte. Et pour le juger, nous ne nous posons que deux questions. La première : a-t-il dit et respecté la vérité ? La seconde : le feu de la violence, en lui, a-t-il réussi à l’éteindre ? (…)

Tu respires le même air que moi, du sang coule dans tes veines, comme dans les miennes, tu bois, comme moi, tu manges, tu pisses, tu défèques, et le reste. Et nous mourrons tous les deux. Qu’est-ce qu’il y a, là-dedans, qui puisse te rendre fier et supérieur ? (…)

Pas besoin de bouger. Les vrais voyages vers le divin se font sur les routes de l’esprit. (…)

Qu’est-ce que je peux vous dire d’autre ? Allez, repartez sans peur.
Je suis simplement quelqu’un qui a appris l’amour et le respect de l’amour.”

* * * * *

“Je ne tire aucune fierté de mon corps ni de mon apparence, ils s’en retourneront au néant, comme les vôtres ! Et comme vous aussi, je partirai seul vers la mort. Mais oui, vous avez raison, nous, les Vingt-Neuf, nous avons un secret : nous ne croyons pas à la fatalité, nous façonnons nos vies. Et même si nous savons que nous allons mourir, le peu d’avenir que nous avons, nous y croyons !” (…)

“Il y a plusieurs vies dans une vie. (…) l’existence est une route.
Ce n’est pas l’étape qui compte, c’est la direction du chemin. Et ce qu’il y a au bout.”

“Pour ta survie, ne compte jamais sur les puissants.
Ne t’approche pas d’eux, ne leur demande aucune aide, n’attends aucun secours de leur part.
Dans la vie, ne t’en remets qu’à toi, rien qu’à toi.”

[Extraits de “La Forêt des 29”, Irène Frain.]
Un conte initiatique aux couleurs des déserts de l’Inde.
Merci à Romain de m’avoir offert cette histoire.


[Extrait] Toi et Moi, P.Géraldy
Doute

DOUTE

Tu m’as dit : « Je pense à toi tout le jour. »
Mais tu penses moins à moi qu’à l’amour.
Tu m’as dit : « Mes yeux mouillés
qui ne peuvent t’oublier
restent longtemps éveillés
lorsque je me couche. »
Mais ton cœur est moins grisé qu’amusé.
Tu penses plus au baiser qu’à la bouche.
Tu ne te tourmentes point.
Tu sais, sans chercher plus loin,
Que nos joies sont les nôtres.
Mais l’amour est un besoin.
M’aimerais-tu beaucoup moins
Si j’étais un autre ?

Toi et Moi – Paul Géraldy