Qu’est-ce que l’autonomie affective ? Comment se sortir de la dépendance affective ?
Quelques explications dans cet article.
Autonomie & Dépendance affective
L’« autonomie affective » est la capacité d’évoluer de façon indépendante au niveau émotionnel. Il ne s’agit pas de s’isoler ou vivre en solitaire, mais de trouver son bonheur, un même équilibre, qu’on soit seul ou entouré ; donc indépendamment de l’autre personne. C’est savoir être heureux(se) sans être en permanence avec l’autre, et sans manquer ou souffrir de son absence.
Inversement, la dépendance affective correspond à une pathologie du lien affectif. C’est le caractère excessif du lien affectif qui détermine cette notion de dépendance : lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’importance que l’on donne aux liens à l’autre, vis-à-vis de son propre équilibre à soi. Le lien dont on parle ici est extrêmement fort car il représente pour la personne une notion de survie. Elle développe une addiction vis-à-vis de l’autre. Elle est en manque quand il n’est pas là. L’autre devient comme une drogue apaisante et rassurante, pour réguler ses peurs et ses angoisses ; il se substitue à ses besoins fondamentaux…
Exemples d’un manque d’autonomie affective
– Manque de confiance en soi, en son propre jugement, en ses capacités, et en ses ressources personnelles – Un mal-être profond devant sa solitude – Vivre dans l’illusion d’un amour idéal – Une aliénation de ses propres besoins, envies, désirs – Une mise en priorité de l’autre aux dépens de soi – Une angoisse de la séparation – Une difficulté à s’affirmer devant l’autre, d’exprimer son désaccord – Une hypersensibilité à la critique – Un comportement soumis – Une acceptation d’actes dévalorisants – Une tendance à admirer l’autre, à l’utiliser, ou à le mépriser – Une conception de l’amour ou l’on se dit amoureux de l’autre plus pour ce qu’il nous apporte que pour qui il est – Une absence de prise en considération de ses propres désirs et de ses souhaits – Une soumission à ses propres diktats issus de l’éducation (le devoir prime sur tout le reste) – Une recherche de fusion, de rapports profonds, intense, privilégié, voire exclusif – Une violence (psychologique, physique, verbale) apportée dans la relation proportionnelle à la souffrance liée à la dépendance – Une projection permanente dans l’idéal de soi. L’autre devient alors un prétexte à se voir comme étant quelqu’un d’altruiste, de généreux, gentil, dévoué, compatissant, de disponible, etc. afin de flatter sa propre personne, et de se sentir apaisé – Une priorisation excessive de la sécurité extérieure qui entraîne à l’oubli de soi – Donner (temps, argent, soi-même) quitte à aller jusqu’au sacrifice – Prendre sur soi les problèmes des autres – Se sentir responsable du bien-être de l’autre et de son bonheur – Éviter de s’affirmer afin de ne pas déplaire ou d’être critiqué – Dissimuler au maximum ses propres émotions et ses désirs – Se rendre indispensable – Confondre régulièrement l’être et le faire….
Source : https://www.autonomieaffective.com/
Le manque précède la dépendance
Lorsque la nourriture émotionnelle est insuffisante durant l’enfance…
- si l’enfant grandit dans un environnement conflictuel ou contraint
- si ses émotions ne sont pas reconnues et ses besoins mal comblés
- s’il ne peut pas développer sereinement sa liberté d’être
ou est ignoré dans son identité
…la personne demeure au stade où elle était dépendante de son environnement pour survivre.
Dans l’enfance, l’attachement au « caregiver » (la personne qui prend soin de l’enfant de façon cohérente et continue) est primordial pour le développement social et émotionnel de l’enfant. Cette « figure d’attachement » représente une base de sécurité à partir de laquelle il va explorer le monde ; et une référence à partir de laquelle il va développer des “modèles internes opérants” qui régiront ses sentiments, pensées et attentes par rapport à ses relations.
Si ces modèles sont mal construits, il existe en elle un “vide” (un manque, une insécurité affective) qui l’entraîne vers une dépendance extérieure. Sa croyance fondamentale est que son bonheur ne peut venir que de l’extérieur. Elle fait alors dépendre des autres : sa valeur personnelle, son bien être et le fait de se sentir aimée et nourrie émotionnellement. Sans être jamais complètement satisfaite. Incapable de s’aimer totalement, elle accueille avec difficulté l’amour transmis. Elle est comme un tonneau percé, qui ne se remplit jamais peu importe l’eau qu’on y verse.
Elle peut alors s’attacher de façon démesurée à celui qu’elle croit capable (projection) de combler ses manques. Ce sont ces manques et cet attachement excessif qui créent sa souffrance et sa dépendance.
NB : Un manque de confiance en soi ou un traumatisme affectif peuvent également mener à cette dépendance.
Acquérir son autonomie affective
Un enfant devient autonome sur le plan émotionnel lorsqu’il réalise au fil des ans que les émotions et les sentiments qu’il exprime sont reconnus et appréciés par le monde des adultes. La personne qui a acquis une autonomie émotionnelle est à la fois libre, indépendante et partenaire avec les autres. Elle est capable de partager ses émotions et satisfaire ses besoins, en relation saine avec les autres.
Évoluer vers une autonomie affective à l’âge adulte, lorsqu’on est en situation de dépendance, est un processus qui prend du temps et demande une réelle motivation et implication. Il sera nécessaire de travailler plusieurs axes :
- Prendre conscience de sa dépendance
- Développer de la bienveillance à son égard
- Accepter sa souffrance, ses sensations et ses émotions
- Défaire ses représentations d’attachement
- Déterminer et combler ses manques
- Prendre soin de ses besoins
- Modifier ses croyances
- Expérimenter de nouveaux comportements
- Reconstruire son estime et l’image qu’on a de soi
Programme à suivre
Les centres de traitement de la dépendance sous toutes ses formes proposent très souvent dans les premiers temps une période de sevrage. Ce sevrage aussi bénéfique soit-il à long terme, est une véritable épreuve à court terme.
1. Accepter sa souffrance avec bienveillance et défaire ses représentations
Il s’agit dans un premier temps de se rendre compte que l’on est dépendant, et d’accueillir les ressentis qui en découlent, pour accepter cet état sans le nier. Traverser la souffrance, c’est la regarder en face : observer ses sensations corporelles, en restant bienveillant vis-à-vis de soi, accepter que cette souffrance existe en elle-même, la reconnaître et lui laisser la place de s’exprimer avant de la remercier pour son message et la laisser partir (cf. méditation de pleine conscience). Cet exercice permet de se dés-identifier progressivement de sa souffrance, de la mettre à distance.
Il est nécessaire de reconnaître ses pensées limitantes et ses comportements excessifs (cf. L’amour véritable vs. affection, dévouement, passion…), sans les juger. Là encore, l’observation neutre est essentielle pour ne pas culpabiliser et s’attacher à ses réactions spontanées (ce qui les ferait persister). Au fil du temps et des prises de conscience, les comportements se modifieront naturellement.
“On ne peut arriver à bien vivre une situation désagréable tant et aussi longtemps qu’on n’a pas réussi à sentir ce qu’on vit au plus profond de nous” “Tout ce à quoi on résiste, persiste”
Dans un second temps, il est nécessaire de comprendre quelle projection provoque un tel attachement à l’autre… Qu’est-ce que celui-ci représente ? En quoi paraît-il si important ? Quel manque semble-t-il combler ? …et de définir ses besoins réels. En clair, l’autre ne ne manque pas, il révèle un manque en soi.
2. Modifier ses croyances et prendre soin de ses besoins
L’analyse de cette projection peut permettre de comprendre son fonctionnement – via des parallèles avec son enfance et la relation avec ses parents – et de mettre en lumière les besoins peu satisfaits, ce qu’on ne s’autorise pas. Ces prises de consciences peuvent susciter de l’émotion. Colère et larmes sont bénéfiques, pour faire le deuil de ces fonctionnements, lâcher prise et laisser partir l’objet de l’attachement. Elles sont à accueillir avec bienveillance, sans retenue et sans jugement.
Comprendre si cette souffrance vient du passé, d’un traumatisme affectif ou d’un manque d’estime de soi, permet d’agir en conséquences. Dans tous les cas, un travail sur l’identité, les besoins, l’intelligence émotionnelle (capacité à reconnaître les émotions et besoins associés) et l’affirmation de soi sera indispensable (cf. La satisfaction des besoins humain). Il s’agira d’identifier les catégories en souffrance – physio-plaisirs (corporels), socio-plaisirs (relationnels), psycho-plaisirs (intellectuels), idéo-plaisirs (spirituels) – et de s’accorder davantage de plaisirs chaque jour. A noter : peur = besoin de sécurité, colère = besoin de respect (vis-à-vis de son intégrité physique ou psychologique), tristesse = besoin de retour à soi, joie = à partager ! C’est le moment aussi d’identifier ses valeurs, ce qui est important pour soi. Cela permettra de mettre en oeuvre les changements nécessaires dans sa vie, pour aligner ses comportements (faire) et son identité, ce qui fait sens pour soi (être).
Ces changements ne se feront pas sans résistance et nécessite du temps. Un accompagnement peut être nécessaire pour défaire ses représentations, modifier ses croyances, travailler sur ses peurs, sa culpabilité, ses drivers, ses “obligations” et autres contraintes internes… et passer à l’action.
“Dis moi comment tu prends soin de toi, je te dirais combien tu t’estimes”
“Nourrir ses valeurs, c’est développer un sentiment d’accomplissement”
3. Reconstruire son estime et l’image qu’on a de soi
Au fil de ses changements, le deuil va se faire, l’image de soi va s’améliorer, et la dépendance s’atténuer. Tout ce travail permet de reconstruire son estime et sa confiance, et de gagner en autonomie.
Quelques questions à se poser
- Quelle relation j’entretenais avec mes parents ? Quelles sont les habitudes et croyances que je reproduis ou auxquelles je m’oppose ? Qu’est-ce qui a pu me manquer dans l’enfance ? (NB : la confiance en soi se construit au travers du regard des parents – quand le père valorise nos actions (faire) et la mère nos qualités (être))
- Ai-je subi un traumatisme affectif ? Un deuil que je n’ai pas réglé et qui me provoque encore un mal-être à son évocation ?
- Sur une échelle de 1 à 10,
- comment je prends soin de moi ? à combien je m’estime et ai-je confiance en moi ? Que me manque-t-il pour atteindre 10 ? à quel point je m’accepte (mes limites, ma vulnérabilité) ?
- à quel point est-ce important pour moi de me montrer fort ? de respecter mes engagements et devoirs ? d’être parfait ? de faire des efforts ? de faire vite ? de satisfaire les autres ? même au détriment de ma personne ? Qu’est-ce qui est alors le plus important: les autres ou moi ?
- quel est mon niveau d’affirmation vis à vis des autres ? Quels sont les obstacles ? Comment les lever pour m’affirmer davantage ?
- Qu’est-ce que je veux vraiment pour moi, pour ma vie ?
- Qu’est-ce que je ne m’autorise pas avec un “Je ne peux pas” ? Qu’est-ce qui me dérange ? Comment je me sens vis-à-vis de cette interdiction ? Comment je vis ma situation ? À cause de quelle croyance ? Qu’est-ce que je trouve blessant, injuste..? Qu’est-ce qui est alors le plus important pour moi : cette interdiction ou ce que je veux ? Comment puis-je m’autoriser – un peu – à faire autrement ?