Dans « Alors voilà, les 1001 vies des Urgences », Baptiste Beaulieu peint avec légèreté et humour les consultations qui s’enchaînent, les incroyables rencontres avec les patients et la vie réelle, difficile ou amusante, au sein de l’hôpital. Par ses histoires d’une grande sensibilité, à la fois touchantes et drôles, il restitue tout le petit théâtre de la comédie humaine. Voici un extrait relatant une anecdote intrigante :
“Melle Licorne, 19 ans, transplantée depuis deux semaines.. Son nouveau rein fonctionne, mais elle fait des cauchemars : “Toujours le même, il se répète chaque nuit depuis l’opération.” Le chef la rassure : “Les antalgiques provoquent parfois des troubles du sommeil.” Elle ne l’écoute pas :”Je suis dans un centre commercial et un train énorme me fonce dessus !”
Poussin regarde le chirurgien qui regarde Melle Licorne qui regarde son père qui regarde l’infirmière qui regarde Poussin. Personne ne dégaine : un vrai braquage à la mexicaine. Finalement, tour de passe-passe du chef qui sort un lapin de son chapeau : “On va baisser la dose de morphine.” Basta ! Ils quittent la chambre.
Poussin, tel un petit garçon croyant à la magie : “C’est très étrange : parmi tous les rêves possibles, elle fait celui-là ! Le don est anonyme, personne ne sait rien sur le donneur, hormis le chirurgien et nous.” Le chef sort un nouveau lapin du chapeau : “Je ne suis ni statisticien, ni mathématicien.” Pas magicien, non plus.
Le rein tout neuf de Melle Licorne provient d’un suicidé de 28 ans. Il s’est jeté sur des rails.
Dans son lit, la jeune fille regarde par la fenêtre : avec son rein tout neuf, elle ne passera plus trois fois quatre heures par semaine en dialyse.
[« Alors voilà, les 1001 vies des Urgences », Baptiste Beaulieu]