La campagne qui fait… un tabac


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Fumer c’est être l’esclave du tabac

Assimiler les premières cigarettes d’un adolescent à un acte de soumission à un adulte, voilà le parti-pris de l’association des Droits des Non-Fumeurs (DNF) et de l’agence de publicité BDDP & Fils pour la dernière campagne anti-tabac.

Depuis quelques années, le nombre de jeunes fumeurs est reparti à la hausse, passant de 5 à 8 % à 14 ans, de 8 à 10 % à 15 ans, de 14 à 18 % à 16 ans, de 20 à 22 % à 17 ans et de 24 à 25 % à 18 ans, signant l’échec relatif de la prévention.

Ces visuels polémiques ont donc été choisis car “les jeunes se montrent insensibles aux arguments santé”. Il s’agissait donc, selon le communiqué de l’agence, de “créer la prise de conscience que fumer n’est pas s’affranchir de l’autorité mais est au contraire un signe de soumission et de naïveté : soumission comportementale, psychologique et physique à une drogue addictive qui va contrôler leurs actes, souiller leur corps et même leur coûter cher”.

Les réactions ne se sont pas faites attendre : la classe politique, notamment Roseline Bachelot et Nadine Morano, ne s’est pas cachée d’être choquée ; et la présidente de l’association Chiennes de garde, interrogée par le Journal du dimanche, déplore l’amalgame et la violence sous-jacente : “c’est particulièrement scandaleux d’assimiler l’addiction au tabac à la sexualité, de mettre en parallèle le désir et une drogue nuisible”. “La connotation de violence sexuelle me semble inadmissible, c’est bien une publicité sexiste”.

En effet, bien que l’agence de publicité BDDP & Fils s’en défendent, l’assimilation entre ces ados à genoux, fumant une cigarette à hauteur de ceinture d’un adulte, et un acte de fellation pédophile, est évidente. La volonté de choquer en revanche, est elle, volontaire et réussie ! L’agence a su créer le buzz :  la campagne a été stoppée, mais elle a fait parler d’elle et la polémique court toujours sur le net. Quant à la prise de conscience, il semble que la cible “adolescent” ait été manquée, ce sont les adultes qui sont choqués ! Pourtant, cette publicité pourrait amener à réfléchir plus profondément.

Mon avis sur la question :

La première erreur de cette campagne, c’est que le public la prend au premier degré, elle apparaît donc exagérée et choquante. Le problème est le même avec l’humour : il semblerait qu’il y ait des sujets dont on ne doit pas rire, de peur de les dé-crédibiliser et de réduire la conscience de leur gravité (racisme, violence, etc.). Ici le phénomène est inverse, le caractère grave des violences est utilisé pour faire prendre conscience du risque pour les adolescents. L’idée est de montrer que pour les ados la cigarette est un piège, et qu’il est facile de les forcer à s’y soumettre. C’est la dangerosité de la cigarette et le rôle de prévention des adultes qui est souligné ici : “pensez à faire attention et à protéger vos enfants !” comme vous le feriez face à d’autre type de violences. Choquer est peut être nécessaire pour la prise de conscience ?

La deuxième erreur découle de la première : le public reproche que soient mis sur la même échelle de valeur deux problèmes différents. Comparer la cigarette à une autre addiction plus dangereuse est une chose, mais la comparer à une violence sexuelle… quel est le rapport ? D’un autre côté, pourquoi fumer, qui entraîne l’emprisonnement du corps dans une dépendance à vie, détruit la santé, augmente le risque d’hospitalisation & creuse indirectement le trou de la Sécurité sociale, et oblige les fumeurs à dépenser beaucoup d’argent dans une addiction inutile, ne devrait-il pas être pris au sérieux de la même façon ? Effectivement, il vaut mieux fumer que d’être victime de violence… Pourtant ces problèmes sont tous deux graves. Or le premier est hélas, banalisé. La cigarette, qui a su être cool, ou évidente, reste pour beaucoup  de jeunes une curiosité, un rite de passage à l’âge adulte ou le moyen de s’intégrer dans un groupe. Les adolescents agissent par assimilation, ou par transgression de l’interdit ; leur pouvoir conscient de décision est en réalité altéré, limité par le prisme social et la volonté de s’affranchir de leur statut d’enfant.

Ma solution : de toute façon, les adolescents sont peu sensibles aux arguments santé, à la violence ou au sexe, banalisés eux aussi. Par contre, il s’attache aux arguments sociaux et aux effets de mode. Donc pour limiter l’envie de fumer des ados, rien ne vaut le pouvoir du marketing : ringardiser la cigarette serait sans doute la solution. Qui aurait envie aujourd’hui de fumer la pipe, à part un gros vieux à moustache ou un collectionneur poussiéreux ? 😉 Une implication des stars préférées des ados serait aussi la bienvenue… Mais sans doute que le lobbying des cigarettiers et des fumeurs est trop important…

Prochaine campagne contre la cigarette :

[Source : doctissimo]

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