Lectures

Des textes à lire, des auteurs à découvrir


[Citation] Ne jugez pas trop vite

« Le jugement implique aussi la condamnation du juge. » [Louis Scutenaire]

« Rien ne nous trompe autant que notre jugement. » [Léonard de Vinci]

« Un jugement trop prompt est souvent sans justice. » [Voltaire]

« Ni l’intelligence ni le jugement ne sont créateurs. » [Antoine de Saint-Exupéry]

« Les inhibitions viennent de la peur du jugement des autres. » [Gilbert Trigano]

 


[Extrait] Les écureuils de Central Park…, K.Pancol
C’est si petit un homme sans rêves

“- Je veux qu’il me raconte… avec ses mots à lui.

Je veux qu’il sache qu’il n’a pas vécu cette histoire en vain, qu’elle m’a sortie de l’eau des Landes, qu’elle peut sauver d’autres gens encore.

Des gens qui n’osent pas, qui ont peur, des gens à qui on répète toute la journée qu’il est vain d’espérer. Parce que c’est ce qu’on nous dit, hein ?

On se moque des gens qui rêvent, on les gronde, on les fustige, on leur remet le nez dans la réalité, on leur dit que la vie est moche, qu’elle est triste, qu’il n’y a pas d’avenir, pas de place pour l’espérance. Et on leur tape sur la tête pour être sûr qu’ils retiennent la leçon. On leur invente des besoins dont ils n’ont pas besoin et on leur prend tout leur sous. On les maintient prisonniers. On les enferme à double tour. On leur interdit de rêver. De s’agrandir, de se redresser… Et pourtant…

Et pourtant… Si on n’a pas de rêves, on n’est rien que de pauvres humains avec des bras sans force, des jambes qui courent sans but, une bouche qui avale de l’air, des yeux vides. Le rêve, c’est ce qui nous rapproche de Dieu, des étoiles, ce qui nous rend plus grand, plus beau, unique au monde… C’est si petit un homme sans rêves. Si petit, si inutile…Un homme qui n’a que le quotidien, que la réalité du quotidien, cela fait peine à voir. C’est comme un arbre sans feuilles. Il faut mettre des feuilles sur les arbres. Leur coller plein de feuilles pour que ça fasse un grand et bel arbre. Et tant pis s’il y a des des feuilles qui tombent, on en remet d’autres. Encore et encore, sans se décourager…

C’est dans le rêve que respirent les âmes. Dans le rêve que se glisse la grandeur de l’homme.

Aujourd’hui, on ne respire plus, on suffoque. Le rêve, on l’a supprimé, comme on a supprimé l’âme et le Ciel…”

[Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, Katherine Pancol]


[Extrait] Tu seras un homme mon fils, R.Kipling

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

[Rudyard Kipling]


[Extrait] La Forêt des 29, I.Frain

“Vous ne trouverez pas ici de dieu de la peur ou des menaces. Et encore moins des pensées qui se tordent sur elles-mêmes et se perdent en complications. Le Suprême est partout dans la Nature, comme je vous l’ai dit, et par conséquent il est e nous, les hommes. Nous, les Vingts-Neufs, quand nous nous levons, chaque matin avant l’aube, nous n’avons qu’une seule interrogation : savoir par quels actes nous illustrerons cette parcelle de divin qui nous a été remise avec la vie. Nous estimons l’homme à ce qu’il fait, non à ce qu’il raconte. Et pour le juger, nous ne nous posons que deux questions. La première : a-t-il dit et respecté la vérité ? La seconde : le feu de la violence, en lui, a-t-il réussi à l’éteindre ? (…)

Tu respires le même air que moi, du sang coule dans tes veines, comme dans les miennes, tu bois, comme moi, tu manges, tu pisses, tu défèques, et le reste. Et nous mourrons tous les deux. Qu’est-ce qu’il y a, là-dedans, qui puisse te rendre fier et supérieur ? (…)

Pas besoin de bouger. Les vrais voyages vers le divin se font sur les routes de l’esprit. (…)

Qu’est-ce que je peux vous dire d’autre ? Allez, repartez sans peur.
Je suis simplement quelqu’un qui a appris l’amour et le respect de l’amour.”

* * * * *

“Je ne tire aucune fierté de mon corps ni de mon apparence, ils s’en retourneront au néant, comme les vôtres ! Et comme vous aussi, je partirai seul vers la mort. Mais oui, vous avez raison, nous, les Vingt-Neuf, nous avons un secret : nous ne croyons pas à la fatalité, nous façonnons nos vies. Et même si nous savons que nous allons mourir, le peu d’avenir que nous avons, nous y croyons !” (…)

“Il y a plusieurs vies dans une vie. (…) l’existence est une route.
Ce n’est pas l’étape qui compte, c’est la direction du chemin. Et ce qu’il y a au bout.”

“Pour ta survie, ne compte jamais sur les puissants.
Ne t’approche pas d’eux, ne leur demande aucune aide, n’attends aucun secours de leur part.
Dans la vie, ne t’en remets qu’à toi, rien qu’à toi.”

[Extraits de “La Forêt des 29”, Irène Frain.]
Un conte initiatique aux couleurs des déserts de l’Inde.
Merci à Romain de m’avoir offert cette histoire.


[Extrait] La Forêt des 29, I.Frain

“(…) Eh bien, je vais te confier  une petite chose que j’ai apprise, dans le temps, quand j’allais par les routes, avant la Grande Sécheresse. J’en ai vu et entendu des Raos, tu sais, j’en ai écouté, des puissants, des riches et des soldats. Et j’ai fini par comprendre que la violence ne naît pas des armes, comme on le croit trop souvent. Elle commence avant, c’est la fille des mots qu’on emploie. Les guerres éclatent quand on commence à appeler vraies des choses qui sont fausses. Et fausses des choses qui sont vraies.

* * * * *

Ce qui frappait, d’emblée, c’était son regard. (…) Pour le reste, rien ne le distinguait des autres Vingt-Neuf. Comme eux, il passait le plus clair de sa journée à travailler la terre, à s’occuper des bêtes et des arbres, à méditer. Si on voulait le voir, c’était dans les champs qu’il fallait aller le chercher.
Il laissait les gens l’aborder. Mais avant de leur parler, il les observait un long moment. Et il répondait seulement aux questions qu’on lui posait. Il appliquait à la lettre le neuvième principe : toujours réfléchir avant d’ouvrir la bouche. Et ensuite, filtrer ses mots avec le même soin que son eau et son lait.
Pour autant, une fois qu’il avait jaugé ses visiteurs, il lâchait la bêche et sa houe, leur souriait, leur indiquait un arbre. Un khejri, toujours le même. Et c’est le plus naturellement du monde qu’il allaient ensemble s’asseoir sous son ombre. En signe de bienvenue, d’autres Vingt-Neuf venaient alors leur offrir du lait puis il y avait un long moment où tout le monde se taisait : rien qu’à regarder les pigeons et les perruches picorer le grain que Djambo leur avait rituellement lancé avant de s’asseoir, rien qu’à contempler les gazelles et les antilopes qui allaient et venaient à deux pas de là, chacun se sentait rajeuni, la vie devant soi. L’âge, les tourments, la maladie même, plus rien n’avait d’importance. On était soulagé du poids de son corps, délivré de son passé, de l’angoisse du lendemain. Seul comptait cet instant de paix. Et c’est seulement quand ses visiteurs s’étaient ainsi spontanément abandonnés à ce qu’il y avait de meilleur en eux que Djambo parlait.

Il y eut aussi des timides pour prendre le chemin de l’oasis, des gens broyés par la vie et qui, à force d’être piétinés par la haine et le malheur, n’osaient plus rien. Pour ceux-là, Djambo prit toujours les devants. Il lâchait tout de suite son sillon, courait à eux, leur tendait ses mains calleuses et les entraînait sous l’arbre. En leur disant tout simplement : “Viens. Dis-moi.”
Là, c’était lui qui posait les questions, et eux qui lui répondaient. A un moment ou à un autre, ils recommençaient à sourire. Alors, comme à tous ceux qui venaient le voir, il leur expliquait qui étaient les Vingt-Neuf.

* * * * *

(…) toute parole, là-bas – c’était la neuvième règle – , devait avoir un but et constamment s’accorder, selon les treizième, quatorzième et quinzième préceptes, au sacro-saint principe de vérité. Donc ni commérages, ni médisances ni calomnies, pas de cabales ni de complots, à moins d’encourir l’exclusion du groupe.

[Extraits de “La Forêt des 29”, Irène Frain.]
Un conte initiatique aux couleurs des déserts de l’Inde.
Merci à Romain de m’avoir offert cette histoire.