histoire


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy

Nous ne sommes pas que quelques compagnons de la MOI* ou des FTP* à partager l’espace de la cellule. Il faut aussi cohabiter avec les puces, les punaises et la gale qui nous rongent. (…) Jacques n’est déjà plus le même. Dès son réveil, il fait les cent pas, silencieux. Lui aussi compte ces heures perdues, foutues à tout jamais. Peut être pense-t-il aussi à une femme, au-dehors. Le manque de l’autre est un abîme ; parfois, la nuit, sa main se lève et tente de retenir l’impossible, la caresse qui n’est plus, la mémoire d’une peau dont la saveur a disparu, un regard où la complicité vivait en paix. (…)  C’est en le regardant muré dans son désespoir, ici même, au milieu de cet univers sordide, que j’ai pourtant vu l’une des plus justes beautés de notre monde : un homme peut se résoudre à l’idée de perdre sa vie, mais pas à l’absence de ceux qu’il aime. (…) Ici, nous sommes au fond du monde, dans un espace obscur et exigu ; un territoire où seule la maladie règne en maître. Mais au milieu de ce terrier infâme, au plus noir de l’abîme, réside encore une infime parcelle de lumière, elle est comme un murmure. Les espagnols qui occupent les cellules voisines l’appellent parfois le soir en la chantant, ils l’ont baptisée Esperanza.

(*) MOI : Main-d’oeuvre immigrée, FTP : Francs-tireurs et partisans

[Les enfants de la liberté, Marc Levy]


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy

Une fois, une femme est venue ici. C’est Robert qui m’avait demandé de l’héberger. Elle avait dix ans de plus que moi, elle était malade et venait se reposer. J’ai dit que je n’étais pas médecin, mais j’ai accepté. Il n’y a qu’une chambre là-haut, alors qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Nous avons partagé le lit ; elle d’un côté, moi de l’autre, l’oreiller au milieu. Elle a passé deux semaines dans ma maison, nous rigolions tout le temps, on se racontait des tas de choses et je m’étais habitué à sa présence. Un jour, elle était guérie, alors elle est repartie. Je n’ai rien demandé, mais j’ai dû me réhabituer à vivre dans le silence. La nuit, quand le vent soufflait, on l’écoutait à deux. Seul, il ne fait plus la même musique.

Elle a frappé à ma porte deux semaine plus tard et m’a dit qu’elle voulait rester avec moi. (…) J’ai dit que c’était mieux pour nous qu’elle retourne auprès de son mari… De quelle fille de la brigade es-tu tombé amoureux ? Jeannot, je sais combien la solitude pèse, mais c’est le prix à payer quand on est dans la clandestinité.

Tu sais, Jeannot, cette amie dont je t’ai parlé tout à l’heure, elle m’a donné cette chance formidable ; elle m’a laissé l’aimer. Ce n’était que quelques jours, mais avec la tête que j’ai, c’était déjà un beau cadeau. Maintenant, il me suffit de penser à elle pour trouver un peu de bonheur. Tu devrais rentrer, la nuit tombe tôt en ce moment.

[Les enfants de la liberté, Marc Levy]


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy
Le courage de vivre

Il faut une véritable prise de conscience pour se rendre compte qu’on est en vie. (…) La plupart des hommes se contentent d’un boulot, d’un toit, de quelques heures de repos le dimanche et ils s’estiment heureux comme ça ; heureux d’être tranquilles, pas d’être en vie ! Que leurs voisins souffrent, tant que la peine ne pénètre pas chez eux, ils préfèrent ne rien voir ; faire comme si les mauvaises choses n’existaient pas. Ce n’est pas toujours de la lâcheté. Pour certains, vivre demande déjà beaucoup de courage.

[Les enfants de la liberté, Marc Levy]


[Extrait] La sorcière de Portobello, P.Coelho

C’est ça l’objectif de la vie – la révélation !” La connaissance de soi, des autres, du monde.

“La foi n’est pas un désir. La foi est une Volonté. Les désirs sont toujours des choses qui doivent s’accomplir, la Volonté est une force. La Volonté modifie l’espace autour de nous. (…) Mais pour cela, le Désir est nécessaire.”

* * * * *

“Les gens ont tendance à devenir plus aventureux quand ils s’éloignent de leur univers, parce que les barrières et les préjugés sont restés loin.”

“Fais un effort pour remettre dans ta vie un peu de fantaisie ; au-dessus de nos têtes, il y a un ciel auquel toute l’humanité, en des milliers d’années d’observation, a déjà donné une série d’explications raisonnables. Oublie ce que tu as appris au sujet des étoiles, et elles redeviendront des anges, ou des enfants, ou autre chose si tu as envie d’y croire en ce moment. Cela ne te rendra pas plus stupide : ce n’est qu’un jeu, mais cela peut enrichir ta vie.

* * * * *

Tu es ce que tu crois être. (…) Et quand tu doutes (…) plutôt que d’essayer de prouver que tu es meilleure que tu ne le penses, ris simplement. Ris de tes soucis, de tes insécurités. Vois avec humour tes angoisses. (…)
Les groupes sont très importants (…) parce qu’ils nous obligent à nous améliorer ; si tu es seule, tout ce que tu peux faire, c’est rire de toi-même ; mais si tu es avec les autres, tu riras et tu agiras aussitôt. Les groupes nous défient. Les groupes nous permettent de sélectionner nos affinités. Les groupes provoquent une énergie collective, et l’extase y est beaucoup plus facile, parce qu’elle est contagieuse. Evidemment, les groupes peuvent aussi nous détruire. Mais cela fait partie de la vie, c’est cela la condition humaine : vivre avec les autres.”

[La sorcière de Portobello, Paulo Coelho]


[Extrait] La sorcière de Portobello, P.Coelho
La main qui trace les lignes reflète l’âme…

Il en est ainsi de la répétition : ce qui paraît la même chose est toujours différent.

La calligraphie. Une simple lettre exige que nous mettions en elle toute la force qu’elle contient, comme si nous étions en train de ciseler sa signification. Ainsi quand les textes sacrés sont écrits, il s’y trouve l’âme de l’homme qui a servi d’instrument pour les divulguer. Et non seulement les textes sacrés, mais tout ce que nous mettons sur le papier. Parce que la main qui trace les lignes reflète l’âme de celui qui les écrit. (…) Je ne fais pas partie de votre monde, dans lequel on imprime les choses – sans beaucoup réfléchir à ce qu’on publie…”

Pourquoi la patiente est-elle si importante ? Parce qu’elle nous conduit à faire attention.

Qu’est-ce qu’un maître ? Ce n’est pas celui qui enseigne quelque chose, mais celui qui pousse son élève à donner le meilleur de lui-même afin de découvrir ce qu’il sait déjà.

“J’ai demandé si cela avait un sens d’enseigner ce que l’on ne sait pas. – Quelqu’un t’a-t-il jamais appris à aimer ? (…) Et pourtant, comme tout être humain, tu en es capable. Comment as-tu appris ? Tu n’as pas appris : tu crois. Tu crois, donc tu aimes.”

Que signifie apprendre ? Accumuler des connaissances ? Ou transformer sa vie ?

“Oui. Mais je ne pense pas alors que j’ai trébuché et que je suis tombée ;
je pense que je traverse encore une fois une épreuve, qui m’enseignera le pas suivant.”

“Tu es une personne insatisfaite. Ta “réalité” ne s’accorde pas avec la “réalité des autres. Je t’ai demandé de ne rien dire. Crois, simplement – ne te pose pas de question. Tu es en vie, et cette bougie est le seul point de ton univers – crois à cela. Oublie pour toujours cette idée que le chemin est un moyen d’arriver à destination : en réalité, chaque pas est toujours une arrivée. Répète cela tous les matins : “Je suis arrivée”. Tu verras qu’il sera beaucoup plus facile d’être en contact avec chaque seconde de ta journée.”

Vous avez compris ce que les grands peintres comprennent :
pour oublier les règles, il faut les connaître et les respecter.

[La sorcière de Portobello, Paulo Coelho]


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy
Résister

J’aime bien ce verbe “résister”.

Résister, à ce qui nous emprisonne, aux préjugés, aux jugements hâtifs, à l’envie de juger, à tout ce qui est mauvais en nous et ne demande qu’à s’exprimer, à l’envie d’abandonner, au besoin de se faire plaindre, au besoin de parler de soi au détriment de l’autre, aux modes, aux ambitions malsaines, au désarroi ambiant.

Résister, et… sourire.”
Emma  Dancourt

[Les enfants de la liberté, Marc Lévy]


[Extrait] Les enfants de la liberté, M.Lévy
Rien n’a changé

“Je me doute bien que ma pensée est confuse, que les mots se bousculent dans ma tête, mais à partir de ce lundi midi et pendant deux ans, sans cesse mon coeur va battre dans ma poitrine au rythme que lui impose la peur ; j’ai eu peur pendant deux ans, je me réveille encore parfois la nuit avec cette foutue sensation. (…) Alors voilà un petit bout de l’histoire de Charles, Claude, Alonso, Catherine, Sophie, Rosine, Marc, Emilie, Robert, mes copains, espagnols, italiens, polonais, hongrois, roumains, les enfants de la liberté.

“Et puisque la population se préparait à l’acclamer, ce Maréchal, il fallait sonner notre tocsin, réveiller les gens de cette peur si dangereuse, celle qui gagne les foules et les conduit à baisser les bras, à accepter n’importe quoi ; à se taire avec pour seule excuse à la lâcheté que le voisin fait de même et que si le voisin fait de même, c’est donc ainsi qu’il faut faire.”

“Tu vois, dans cette France triste, il y avait non seulement des concierges et des logeuses formidables, mais aussi des mères généreuses, des voyageurs épatants, des gens anonymes qui résistaient à leur manière, des gens anonymes qui refusaient de faire comme le voisin, des gens anonymes qui dérogeaient aux règles puisqu’elles étaient indignes.”

[Les enfants de la liberté, Marc Lévy]