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[Extrait] La Forêt des 29, I.Frain

“(…) Eh bien, je vais te confier  une petite chose que j’ai apprise, dans le temps, quand j’allais par les routes, avant la Grande Sécheresse. J’en ai vu et entendu des Raos, tu sais, j’en ai écouté, des puissants, des riches et des soldats. Et j’ai fini par comprendre que la violence ne naît pas des armes, comme on le croit trop souvent. Elle commence avant, c’est la fille des mots qu’on emploie. Les guerres éclatent quand on commence à appeler vraies des choses qui sont fausses. Et fausses des choses qui sont vraies.

* * * * *

Ce qui frappait, d’emblée, c’était son regard. (…) Pour le reste, rien ne le distinguait des autres Vingt-Neuf. Comme eux, il passait le plus clair de sa journée à travailler la terre, à s’occuper des bêtes et des arbres, à méditer. Si on voulait le voir, c’était dans les champs qu’il fallait aller le chercher.
Il laissait les gens l’aborder. Mais avant de leur parler, il les observait un long moment. Et il répondait seulement aux questions qu’on lui posait. Il appliquait à la lettre le neuvième principe : toujours réfléchir avant d’ouvrir la bouche. Et ensuite, filtrer ses mots avec le même soin que son eau et son lait.
Pour autant, une fois qu’il avait jaugé ses visiteurs, il lâchait la bêche et sa houe, leur souriait, leur indiquait un arbre. Un khejri, toujours le même. Et c’est le plus naturellement du monde qu’il allaient ensemble s’asseoir sous son ombre. En signe de bienvenue, d’autres Vingt-Neuf venaient alors leur offrir du lait puis il y avait un long moment où tout le monde se taisait : rien qu’à regarder les pigeons et les perruches picorer le grain que Djambo leur avait rituellement lancé avant de s’asseoir, rien qu’à contempler les gazelles et les antilopes qui allaient et venaient à deux pas de là, chacun se sentait rajeuni, la vie devant soi. L’âge, les tourments, la maladie même, plus rien n’avait d’importance. On était soulagé du poids de son corps, délivré de son passé, de l’angoisse du lendemain. Seul comptait cet instant de paix. Et c’est seulement quand ses visiteurs s’étaient ainsi spontanément abandonnés à ce qu’il y avait de meilleur en eux que Djambo parlait.

Il y eut aussi des timides pour prendre le chemin de l’oasis, des gens broyés par la vie et qui, à force d’être piétinés par la haine et le malheur, n’osaient plus rien. Pour ceux-là, Djambo prit toujours les devants. Il lâchait tout de suite son sillon, courait à eux, leur tendait ses mains calleuses et les entraînait sous l’arbre. En leur disant tout simplement : “Viens. Dis-moi.”
Là, c’était lui qui posait les questions, et eux qui lui répondaient. A un moment ou à un autre, ils recommençaient à sourire. Alors, comme à tous ceux qui venaient le voir, il leur expliquait qui étaient les Vingt-Neuf.

* * * * *

(…) toute parole, là-bas – c’était la neuvième règle – , devait avoir un but et constamment s’accorder, selon les treizième, quatorzième et quinzième préceptes, au sacro-saint principe de vérité. Donc ni commérages, ni médisances ni calomnies, pas de cabales ni de complots, à moins d’encourir l’exclusion du groupe.

[Extraits de “La Forêt des 29”, Irène Frain.]
Un conte initiatique aux couleurs des déserts de l’Inde.
Merci à Romain de m’avoir offert cette histoire.


[Extrait] Monsieur Ibrahim…, EE.Schmitt
Riches et pauvres et leurs poubelles

Lorsque tu veux savoir si tu es dans un endroit riche ou pauvre, tu regardes les poubelles.

  • si tu vois ni ordures, ni poubelles, c’est très riche.
  • si tu vois des poubelles et pas d’ordure, c’est riche.
  • si tu vois des ordures à côté des poubelles, c’est ni riche ni pauvre : c’est touristique.
  • si tu vois des ordures sans les poubelles, c’est pauvre.
  • et si les gens habitent dans les ordures, c’est très, très pauvre.

[Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Eric-Emmanuel Schmitt]


[Extrait] Maktub, P.Coelho
Si quelque chose ne marche pas…

Extrait de “Maktub” de Paulo Coelho. Maktub est un recueil de paraboles inspirées à l’auteur par les sources et les folklores les plus divers, Maktub est un véritable trésor de sagesse.

Si quelque chose vous laisse insatisfait – même si c’est ce que vous aspiriez à réaliser, sans y parvenir – arrêtez-vous sur le champ. Lorsque les choses ne marchent pas, il n’y a que deux explications : ou bien votre persévérance est mise à l’épreuve, ou bien vous devez changer de cap. Pour découvrir quelle option est la bonne, recouvrez au silence et à la méditation. Peu à peu, tout s’éclaircira de façon mystérieuse, jusqu’au moment où vous aurez la force de choisir. Une fois votre décision prise, oubliez totalement l’hypothèse que vous n’avez pas retenue. Et allez de l’avant. Domingos Sabino a dit : “Tout fini toujours bien. Si les choses ne marchent pas convenablement, c’est que vous n’êtes pas encore arrivé à la fin.”

[Extrait de Maktub, Paulo Coelho]

Le résumé du livre ici : (suite…)


[Extrait] Maktub, P.Coelho
Forcé à découvrir son propre chemin

Extrait de “Maktub” de Paulo Coelho. Maktub est un recueil de paraboles inspirées à l’auteur par les sources et les folklores les plus divers, Maktub est un véritable trésor de sagesse.

Une histoire de science-fiction met en scène une société dans laquelle presque tous les individus naissent prêts à remplir une fonction (technicien, ingénieur ou mécanicien…). Seuls quelques-uns n’ont à la naissance aucune compétence ; on les envoie dans un asile de fous, puisque seuls les fous sont incapables d’apporter la moindre contribution à la société.

Un jour, l’un de ces fous se rebelle. L’asile disposant d’une bibliothèque, il s’efforce d’acquérir toutes sortes de connaissances en matière de science et d’art. Lorsqu’il pense en savoir assez, il décide de s’enfuir, mais on le rattrape et on l’envoie dans un centre d’études en dehors de la ville.

« Soyez le bienvenu, lui dit alors l’un des responsable du centre. Ceux qui ont été forcés de découvrir leur propre chemin sont justement ceux que nous admirons le plus. A partir de maintenant, vous pouvez faire ce que vous voudrez, car c’est grâce à des gens comme vous que le monde peut avancer.»

[Extrait de Maktub, Paulo Coelho]

Le résumé du livre ici : (suite…)


[Extrait] Maktub, P.Coelho
Tout a un prix, mais ce prix est relatif

Extrait de “Maktub” de Paulo Coelho. Maktub est un recueil de paraboles inspirées à l’auteur par les sources et les folklores les plus divers, Maktub est un véritable trésor de sagesse.

Le philosophe Aristippe courtisait les puissants à la cour de Denys, tyran de Syracuse. Un après-midi, il rencontra Diogène en train de se préparer un modeste plat de lentilles.

« Si tu complimentais Denys, tu ne serais pas obligé de manger des lentilles, remarqua Aristippe.
Si tu savais te contenter de manger des lentilles, tu ne serais pas obligé de complimenter Denys » répliqua Diogène.

Le maître dit : « Il est vrai que tout a un prix, mais ce prix est relatif. Quand nous suivons nos rêves, nous pouvons donner l’impression que nous sommes misérables et malheureux. Mais ce que les autres pensent n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est la joie dans notre coeur.»

[Extrait de Maktub, Paulo Coelho ]

Le résumé du livre ici : (suite…)


[Extrait] La part de l’autre, EE.Schmitt
Qu’est-ce qu’un monstre ?

« Qu’est-ce qu’un monstre? Un homme qui fait le mal à répétition.
A-t-il conscience de faire le mal ? Non la plupart du temps. Parfois oui mais cette conscience ne le change pas. Car le monster se justifie à ses yeux en se disant qu’il n’a jamais souhaité le mal. C’est juste un accident de parcours.
Alors que tant de mal se fait sur cette planète, personne n’aspire au mal. Nul n’est méchant volontairement, même le plus grand rompeur de promesses, le pire des assassins ou le dictateur le plus sanguinaire. Chacun croit agir
bien, en tout cas en fonction de ce qu’il appelle le bien, et si ce bien s’avère ne pas être le bien des autres, s’il provoque douleur, chagrin et ruine, c’est par voie de conséquence, cela n’a pas été voulu. Tous les salauds ont les mains propres. (…) Le salaud se regarde tranquillement dans la glace, il s’aime, il s’admire, il se justifie, il a l’impression – tant qu’il n’est pas mis en échec – de triompher des difficultés qui arrêtent les autres ; il n’est pas loin de se pendre pour un héros.

(…) il existe deux sortes de monstres sur cette terre : ceux qui ne pensent qu’à eux, ceux qui ne pensent qu’aux autres. Autrement dit les salauds égoïstes et les salauds altruistes.  [Celui qui] relève de la première catégorie (…) met sa jouissance et sa réussite au-dessus de tout. Cependant, si néfaste soit-il, il ne le sera jamais autant qu’un malfaisant de la seconde catégorie.

Les salauds altruistes provoquent des ravages supérieurs car rien ne les arrête, ni le plaisir, ni la satiété, ni l’argent ni la gloire. Pourquoi ? Parce que les salauds altruistes ne pensent qu’aux autres, ils dépassent le cadre de la malfaisance privée, ils font de grandes carrières publiques (…) ils maintiennent leur regard fixé sur l’horizon de l’avenir, incapables de voir les hommes à hauteur d’homme, ils annoncent à leurs sujets des temps meilleurs en leur faisant vivre le pire. Et rien, rien jamais ne les contredira. Car ils ont raison à l’avance. Ils savent. Ce ne sont pas leurs idées qui tuent, mais le rapport qu’ils entretiennent avec leurs idées : la certitude.
Un homme certain c’est un homme armé. Un homme certain que l’on contredit, c’est dans l’instant un assassin. Il tue le doute. Sa persuasion lui donne le pouvoir de nier sans débat ni regret. Il pense avec un lance-flammes. Il affirme au canon.

La plus haute nuisance n’a donc rien à voir avec l’intelligence ou la bêtise. Un idiot qui doute est moins dangereux qu’un imbécile qui sait. Tout le monde se trompe, le génie comme le demeuré, et ce n’est pas l’erreur qui est dangereuse mais le fanatisme de celui qu’il ne se trompe pas. Les salauds altruistes qui se dotent d’une doctrine, d’un système d’explication ou d’une foi en eux-mêmes peuvent emporter l’humanité très loin dans leur fureur de pureté. Qui veut faire l’ange fait la bête. (…) La pure intention maligne n’existe pas. Chacun se persuade de bien faire. Le diable se prend toujours pour un ange.  »

Extrait de « La part de l’autre », roman d’Éric Emmanuel Schmitt


[Extrait] La prophétie des Andes, J.Redfield

De la compréhension de l’Histoire

Imaginez vous vivant en l’an mil, ce que nous appelons le Moyen Age. Ce sont les hommes forts de l’Eglise chrétienne qui décident de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas. Ils ont, par leur situation, une énorme influence sur la populace. Le monde qu’ils décrivent comme le monde réel est en fait un monde spirituel. Ils recréent une réalité qui met l’idée d’un regard divin sur l’homme au centre de la vie.

“Tout le Moyen Age est défini en termes d’au-delà. Tous les phéomènes procèdent soit de la volonté de Dieu, soit de la méchanceté du Diable.
“Pour l’instant vous vous contentez de croire l’Eglise.
“Imaginez [cette réalité] maintenant en train de commencer à se désagréger. La vision médiévale du monde commence à se défaire au XIVème et XVème siècles.
“Pendant des siècles ces hommes ont défini la réalité, et voilà que sous vos yeux ils perdent leur crédibilité.

“Vous avez été habitué à laisser une autorité extérieure définir pour vous la réalité, et sans elle vous vous sentez perdu. S’ils ont tort, alors qu’est ce qui est vrai ? Cela a dû créer un grand déséquilibre.
“C’est avec cette conscience que commence l’époque moderne.
Il y a un esprit démocratique grandissant et une méfiance massive à l’égard du pape et du roi.

“Vous aviez besoin d’un nouveau système consensuel pour expliquer le monde, d’une méthode d’exploration de l’univers : la méthode scientifique.
“La méthode scientifique ne pouvant apporter une explication concernant Dieu et l’objet de la vie humaine, […] pourquoi ne pas faire en attendant un pacte avec le monde tel qu’il est?
Alors améliorons notre niveau de vie et notre sécurité !

“Et c’est ce qui s’est passé il ya quatre siècles ! Notre simple intérêt de départ s’est transformé en véritable préoccupation ; il nous a fallu la sécurité économique et la sécurité physique pour remplacer la sécurité spirituelle perdue. Oeuvrer pour instaurer un mode de vie plus confortable est devenu une raison de vivre en soi et nous avons graduellement oublier la question originelle : nous ne savons toujours pas pourquoi nous survivons.”

De l’importance de savourer la nourriture

La nourriture est le premier moyen d’acquérir de l’énergie. Mais pour absorber totalement l’énergie qu’elle contient, la nourriture doit être appréciée et… savourée.
Il faut donner de l’importance au goût.
“C’est pour cela qu’on prie avant de manger.
En fait, cette appréciation consciente de la nourriture est le but réel de l’action de grâce, le résultat consiste en une meilleure absorption de l’énergie.”

Des mécanismes de domination

Chacun s’active pour obtenir de l’énergie soit de manière agressive, en obligeant les autres à s’intéresser à lui, soit de manière passive en jouant sur la sympathie ou la curiosité des autres pour attirer leur attention.

“Par exemple si qqn vous menace vous êtes obligé, par simple peur, de faire attention à lui.
Si au contraire, qqn vous raconte des choses pénibles qui sont en train de lui arriver, en laissant entendre que vous êtes responsable, et que, si vous lui refusez votre aide, cela risque de continuer, cette personne cherche à vous dominer de manière passive; c’est un mécanisme plaintif.

“La progression est la suivante : intimidateur, interrogateur, indifférent et plaintif.

“L’intérrogateur pose des questions et fouille dans l’univers secret des autres pour y trouver qqch à critiquer. L’indifférent est distant, essayant d’intéresser, mais sans révéler quoi que ce soit, restant mystérieux et secret; espérant que l’autre va essayer de comprendre ce qui se passe dans son esprit. Si cela arrive, il reste vague, obligeant l’autre à se donner du mal pour essayer de connaître ses véritables sentiments.

“Les mécanismes de domination se perpétuent. L’indifférent fabrique des interrogateurs ; et les interrogateurs fabriquent des indifférents. Et les intimidteurs fabriquent en face d’eux des plaintifs. Ou, si ça ne marche pas, un autre intimidateur.

“Nous devons apprendre à regarder en face
notre façon particulière de dominer les autres.”

Extrait du livre : “La prophétie des Andes”, James Redfield