Le pouvoir du concret (3)


Comment donner de la “concrétude” à nos messages ? Dans certains cas, nos décisions nous sembleront plus faciles à prendre si elles sont guidées par les besoins d’individus donnés : nos lecteurs, nos étudiants, nos clients.

Melissa Studzinski, jeune femme de 28 ans originaire du Michigan, a rejoint le groupe General Mills en 2004 pour prendre la direction de la marque Hamburger Helper. Lorsqu’elle a rejoint l’équipe, Hamburger Helper était en perte de vitesse depuis dix ans. Le PDG, exaspéré par ce déclin, annonça que son premier objectif pour 2005 était de faire repartir la marque. Studzinski, dernière arrivée dans l’équipe, était impatiente de relever le défi.

Lors de sa prise de fonction, on lui avait remis trois classeurs ventrus bourrés de données et de statistiques : chiffres de ventes et de volumes, briefs pour les stratégies publicitaires, informations produit et études de marché sur les clients de la marque. Les classeurs étaient difficiles à manipuler, sans parler de digérer leur contenu. Elle les appelait les «classeurs de la mort». Quelques mois plus tard, Studzinski et ses collaborateurs décidèrent de laisser les chiffres de côté et de tenter quelque chose de nouveau. Ils mirent sur pied une série de visites de membres de l’équipe Hamburger Helper – collaborateurs marketing, publicité et R&D – au domicile de consommateurs. Leur projet, baptisé «Sur le bout des doigts , avait pour objectif de mieux connaître les clients de la marque.

Un appel aux mamans (principales consommatrices de Hamburger Helper) prêtes à laisser entrer des inconnus chez elles pour qu’ils les observent pendant qu’elles cuisinaient, fut lancé. L’équipe rendit visite à une trentaine de foyers. Studzinski elle-même se rendit dans trois maisons et l’expérience fut une révélation.

«J’avais lu et j’étais capable de réciter par cœur toutes les données concernant nos clients, explique-t-elle. Mais c’était une expérience très différente de franchir le seuil de la maison d’une cliente et de partager un peu de sa vie. Je n’oublierai jamais cette femme qui portait un bébé sur sa hanche pendant qu’elle préparait le dîner sur la cuisinière. Nous savons que l’aspect pratique est un attribut important pour notre produit mais c’est autre chose que d’être directement témoin de cette nécessité de commodité. »

Avant tout, Studzinski apprit que les mamans et leurs enfants , appréciaient énormément la prévisibilité. Hamburger Helper proposait onze formes différentes de pâtes mais les enfants se moquent de la forme des pâtes. Ce qui compte pour eux, c’est le parfum, et tout ce que voulaient leurs mamans, c’est acheter le parfum que leurs enfants connaissent et apprécient. Mais Hamburger Helper proposait plus de 30 parfums et les mamans avaient du mal à trouver celui qu’elles voulaient parmi la quantité astronomique de produits présentés en rayon. Les sociétés agro-alimentaires incitent en permanence leurs équipes à développer de nouveaux parfums et de nouveaux packagings mais Studzinski devait aller à l’encontre de cette tendance. «Aux yeux des mamans, les nouveaux parfums représentaient un danger », souligne- t -elle.

S’appuyant sur ces informations concrètes au sujet des mamans et des enfants, l’équipe réussit à convaincre différents types de collaborateurs au sein de l’entreprise – du service logistique à la fabrication en passant par le service financier – de simplifier la ligne de produits. Selon Studzinski, les économies de coûts étaient « considérables », et pourtant les mamans étaient plus heureuses parce qu’il leur était plus facile de trouver les parfums préférés de leur famille dans les rayons. Cet« eurêka» sur la simplification de la ligne de produits – avec d’autres décisions concernant le prix et l’emballage – donna le coup d’envoi – d’un renouveau de la marque. À la fin de l’année fiscale 2005, les ventes de Hamburger Helper avaient progressé de 11 %.

“Désormais, lorsque je dois prendre une décision concernant la marque, je pense aux femmes que j’ai rencontrées, explique Studzinski. Je me demande ce qu’elles feraient à ma place. Et cette façon d’envisager les choses change tout.”

[Source : Chip & Dan Heath
“Ces idées qui collent : Pourquoi certaines idées survivent et d’autres meurent”]

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