[Extrait] Les dix enfants que Mme Ming n’a jamais eus, EE.Schmitt (6) De la vérité


Extrait de “Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus” d’EE. Schmitt.

“- Il séjournera quelques années en prison.
Mais ça ne vous réparera pas, madame Ming.
– ça le réparera lui, peut être.”
“Une injustice s’efface si l’on parvient à l’oublier.”

“Après tout, peu importe la vérité, seul compte le bonheur, non ?” “La vérité c’est juste le mensonge qui nous plaît le plus, non ?”

“Si l’on prive quelqu’un du mensonge qui soutient son existence,
il s’effondre.” “Parfois, j’estimais que nos destinées ne devaient pas se restreindre à la réalité mais s’enrichir de rêves, de fantasmes, lesquels, s’ils ne sont pas la teneur des choses, témoignent de la vitalité de l’esprit ; une minute après, je regrettais qui ni madame Ming ni Ting Ting n’aient pu accepter le monde tel qu’il est. (…) “La vérité m’a toujours fait regretter l’incertitude.”

* * * * *

“La sincérité, c’est le contraire du discernement ! Pour atteindre l’harmonie entre soi et les autres, il faut analyser les pensées, les filtrer, en refouler certaines. La vérité ne constitue pas un but, elle n’a d’intérêt que si elle sert ; or, la plupart du temps, elle freine ; pis, elle détruit.”

“Shuang, mon chéri, ce que tu dis, les gens ne le saisissent pas, tes phrases provoquent un malentendu. – Maman, je me cantonne à la vérité ! Pourquoi avouer autre chose ? – Mon fils, la question me semble celle-ci : pourquoi les hommes ne supportent-ils pas la vérité ? Premièrement, parce que la vérité les déçoit. Deuxièmement, parce que la vérité manque souvent d’intérêt. Troisièmement, parce que la vérité n’a guère l’allure du vrai – la plupart des faussetés sont mieux troussées. Quatrièmement, parce que la vérité blesse. Je ne veux pas que tu mènes la guerre en croyant propager la paix. – Maman, que faire ? Mentir ? – Non, te taire. Le silence est un ami qui ne trahit jamais.”

“Shuang m’a obéi. Au début, ça révulsait tellement sa nature – se tenir coi – qu’il renâclait, après il a été encouragé par ses succès : plus il se taisait, plus on lui prêtait de profondeur ; plus il se taisait, plus ses employeurs lui supposaient des compétences. Les gens pouvaient enfin projeter leurs espérances sur lui.”

“Les idolâtres de la vérité se révèlent des barbares, la délicatesse surclassant la sincérité. Pour la cohésion de la communauté, on place la sérénité, l’entente, au-dessus du vrai.”

[Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus,
Eric-Emmanuel Schmitt]

Le résumé du livre ici : 

Dans “Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus” d’Eric-Emmanuel Schmitt, le narrateur, un voyageur de commerce français qui passe régulièrement en Chine, entame un dialogue avec la très étrange Mme Ming. Travaillant au sous-sol du Grand Hôtel, cette femme se vante d’élever dix enfants ! Comment, dans un pays où la loi impose l’enfant unique, une telle famille nombreuse peut-elle voir le jour ? Reste que Mme Ming a un talent fou de conteuse. A travers les portraits savoureux de ses rejetons, c’est toute la sagesse d’une Chinoise d’expérience, imprégnée par la philosophie de Confucius, qui jaillit. Mme Ming dissimule-t-elle un secret ? La vérité aurait-elle plus de prix qu’un beau mensonge ? Ce conte philosophique constitue le sixième récit du Cycle de l’invisible.

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