Le test de Sinatra


Le test de Sinatra s’inspire du tube légendaire “New York, New York” et de son refrain “Si je réussis ici, je réussirai partout.” Un exemple passe le “test de Sinatra” lorsqu’il suffit à lui seul à établir la crédibilité dans un domaine donné.

Exemple : Safexpress, une entreprise familale basée en Inde qui opère dans le secteur des expéditions, a choisi de s’engager sur les délais de livraison. Elle souhaite remporter le contrat d’un grand studio de Bollywood, mais doit convaincre de sa fiabilité pour assurer la sécurité des livraisons et éviter le piratage. Heureusement Safexpress possède une solide référence : l’entreprise a assuré la livraison du 5ème volume des aventures d’Harry Potter dans toutes les librairies du pays, parfaitement à l’heure. De même elle assure l’acheminement de tous les examens de fin d’études secondaire et d’admission à l’université. Deux références suffisamment crédible pour remporter le contrat !

En 1993, l’écologiste Bill McDonough (connu pour aider les entreprises à protéger l’environnement tout en améliorant leurs résultats financiers) fut engagés par le fabricant de textiles suisse Rohner Textil, pour créer un processus de fabrication n’utilisant pas de produits chimiques toxiques .Une mission considérée comme impossible par la plupart des professionnels du secteur. Le fait est que les chutes de l’usine de Rohner Textil contenaient tellement de substances douteuses que le gouvernement suisse les avait classées dans la catégorie des déchets toxiques.

Pour résoudre ce problème, McDonough devait trouver un partenaire prêt à jouer le jeu dans l’industrie chimique. Le message était le suivant: « Nous voudrions qu’à l’avenir tous les produits soient aussi sûrs que les médicaments pédiatriques. Nous voudrions que nos bébés puissent les téter sans tomber malades, et même qu’ils leur fassent du bien. » Ils demandèrent aux usines chimiques de leur ouvrir leurs livres et de leur expliquer comment leurs produits étaient fabriqués. « Inutile de nous répondre que c’est un secret protégé par un brevet. Si nous ne savons pas ce que contiennent vos produits, nous ne les utiliserons pas. » Soixante sociétés refusèrent. Finalement, le PDG de Ciba-Geigy accéda à la requête.

8 000 produits chimiques couramment utilisés furent étudiés, seuls 38 produits chimiques furent conservés – 38 produits « suffisamment sûrs pour être mangés », pour reprendre l’expression de McDonough. Aussi incroyable cela puisse-t-il paraître, en utilisant seulement ces 38 produits, ils ont pu créer une ligne complète de textiles, avec toutes les couleurs à l’exception du noir. Le tissu qu’ils choisirent était fait de matériaux naturels – de la laine et une fibre végétale, la ramie.

Lorsque le processus de production fut mis en place sur les chaînes, les inspecteurs du gouvernement suisse vinrent pour analyser l’eau qui sortait de l’usine afin de vérifier que les émissions chimiques respectaient les normes légales. « Au début, ils ont cru que leurs instruments ne marchaient pas. » Ils ne détectaient rien dans l’eau. Alors, les inspecteurs ont analysé l’eau qui entrait dans l’usine, de l’eau potable suisse, et ils ont eu la preuve que leurs instruments fonctionnaient parfaitement. « En fait, les tissus filtraient l’eau au cours du processus de production », explique McDonough.

Le nouveau processus était non seulement plus propre mais aussi moins coûteux. Les coûts de fabrication chutèrent de 20 %. Toutes les opérations de manipulation et de retraitement des produits toxiques avaient été éliminées mais en outre, les ouvriers n’étaient plus obligés de porter des vêtements de protection. Et les chutes étaient désormais transformées en feutre, vendu aux agriculteurs et jardiniers suisses pour l’isolation des cultures.

Cette histoire est remarquable. Si McDonough contacte une entreprise quelle qu’elle soit pour lui proposer un process moins dangereux pour l’environnement, cette histoire lui conferera une crédibilité considérable. Elle passe haut la main le « test de Sinatra».

[Source : Chip & Dan Heath
“Ces idées qui collent : Pourquoi certaines idées survivent et d’autres meurent”]

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