Plus une nation s’isole, plus elle s’aveugle sur ses défauts et ses déficiences, et plus elle a tendance à projeter ses peurs, ses répugnances et ses atavismes sur des nations voisines. Seul le contact assidu d’une peuple avec un autre amène à reconnaître ses propres lacunes et ses défauts nationaux. Tant et aussi longtemps que les gens d’une nation n’ont pas appris à connaître et apprécier les mœurs d’une autre nation, ils nourrissent des préjugés engendrés par leur ombre nationale.
En temps de guerre, la projection de l’ombre* collective d’une nation est entretenue et exacerbée par les médias. Tout ce ce que l’on juge détestable et répréhensible chez soi, on s’acharne à le retrouver chez la nation ennemie. Est-il permis de rêver qu’un jour toutes les nations se regarderont en vérité et que chacune “embrassera” son ombre*, au lieu de la projeter sur une autre et de chercher à la détruire ?
D’instinct, des sociétés ont trouvé un correctif aux déviations causées par leur ombre collective : elles désignent certains de leurs membres pour amener le groupe à relativiser ses habitudes et manière de penser, en faisant systématiquement tout le contraire et en violant les normes (Heyoka chez les Sioux, le fou du roi au Moyen-Âge, les clowns et humoristes.)
*L’ombre est tout ce que nous avons refoulé dans l’inconscient par crainte d’être rejetés par les personnes importantes de notre vie, ce côté secret et mal aimé de nous-mêmes : expression de certaines émotions ou sentiments, attitude, conduite originale, habileté, voire même qualités morales.
Le contenu de l’ombre devient la source de nos projections. Les aspects mal aimés de nous-mêmes que nous tentons en vain d’éliminer de nos vies se projettent sur les autres. Soit nous projetons nos tendances méchantes sur les autres pour ne pas les voir en nous-mêmes (projections maléfiques), soit nous voyons réalisés chez autrui nos désirs et nos fantasmes (projections bénéfiques ).
[Source : Les projections maléfiques, Jean Monbourquette]
Résumé
Dans “Les projections maléfiques”, Jean Monbourquette analyse le phénomène de stigmatisation et de victimisation. En décryptant les mécanismes psychiques qui se mettent en place dans un groupe social, dans un couple ou dans toute relation malveillante, il explique comment s’en libérer et restaurer son estime de soi.
Jean Monbourquette a toujours aidé les autres à découvrir et à dominer leur part d’ombre, leurs angoisses, leurs peurs. Dans ce livre posthume, il aborde une des questions les plus difficiles, selon ses propres mots, parmi celles auxquelles il a dû répondre : que faire si je suis l’objet d’une projection ou d’une intention malveillante, pernicieuse, notamment de la part d’un proche ou d’un familier ? Il répond à ces personnes victimes de cycles de violence et explique comment s’en libérer.
L’auteur démonte l’engrenage du phénomène de bouc émissaire, ou de souffre-douleur au bureau, à l’école, il révèle les mécanismes psychiques des “moutons noirs” dans les groupes sociaux, ou encore de la culpabilisation dans un couple par exemple. Il présente quelques stratégies visant à sortir de la victimisation, à restaurer l’estime de soi.
À terme, voici un ouvrage posthume couronnant la pensée du psychologue québécois le plus influent de sa génération parmi le grand public.